vendredi 18 novembre 2016

La Turquie dans la Grande Guerre. De l'empire Ottoman à la République de Turquie


Enfin un ouvrage qui traite de ce sujet même si le titre n'est pas correct puisqu'il s'agit surtout de l'Empire Ottoman dans la Grande Guerre. Mais on va dire que celui choisi parle plus au lecteur du XXIème siècle.

L'Empire Ottoman en 1914

Le livre est sortie en début d'année et est écrit par une auteure maîtrisant la langue turque ce qui est un avantage déterminant dans la pertinence des propos. Mais le livre souffre d'un très gros problème de rédaction. On a trop souvent l'impression qu'il s'agit de notes mises bout à bout et que le travail de synthèse des fins de chapitre n'est qu'une énumération de phrases employées dans les paragraphes précédents elles aussi mises bout à bout. Ces mêmes paragraphes traitant trop souvent de plusieurs choses en même temps sans élément de transition passant du coq à l'âne. C'est dur et très compliqué à suivre d'autant que la chronologie n'est pas toujours le fil conducteur est que l'usage quasi systématique du présent ne facilite pas les choses. On a donc le sentiment qu'il s'agit d'un travail effectué dans l'urgence ou tout du moins d'un travail de commande sans esprit de synthèse ce qui le rend difficile d'accès.

Lancashire Game propose une gamme de figurine 15mm couvrant les armées turques. Je n'ai aucune idée de la qualité et du rendu des figurines de cette vénérable marque que je ne connais que de nom. Cependant, je ne suis pas sûr que le lavis noir permet de mettre en valeur ses figurines.

 La gamme est relativement large et on y trouve même des soldats arabes en Keffieh.
A voir les images du site, chaque référence devrait comprendre 2 ou 3 poses par sachet de 10 figurines. Certainement les moins cher du marché.


Cependant, ses intentions sont louables. L'ouvrage commence par rappeler judicieusement que du point de vue turc, la guerre mondiale n'est qu'une étape dans l’enchaînement quasi ubuesque de conflits de 1911 à 1922 :
  • Lors de la guerre italo-turque de Tripolitaine, trop sommairement évoquée car on ne comprend pas trop comment les turcs sont intervenus dans le conflit ni même les difficultés qu'ils ont érigées face aux transalpins (wikipédia fait mieux).
  • Lors de l'impitoyable première guerre Balkanique déclenchée par l'ensemble des nations balkaniques (Grèce, Serbie, Bulgarie, Monténégro) pour tomber sur le dos d'un Empire Ottoman totalement concentré sur la Libye et incapable de mobiliser à temps ses troupes pour faire face à l'attaque surprise. Une leçon utile mais au combien humiliante.
  • Puis lors de l'extravagante seconde guerre balkanique qui se déclenche dès la précédente finie entre les alliés de la veille contre la trop gourmande Bulgarie et où l'Empire Ottoman, allié à ses ennemis d'hier, récupère une portion congrue de ses territoires européens.
  • La première guerre Mondiale, principal sujet de l'ouvrage.
  • Enfin, jusqu'en 1922 la guerre d'indépendance qui s’enclenche dès la fin de la mondiale et où le nationalisme turc mobilise des forces exsangues qui finiront par rejeter Français (plus ou moins volontairement), Anglais (plus ou moins contraint) et Grecs (à coups de pieds dans le cul) hors du territoire qui constitue, encore aujourd'hui, la République de Turquie.
La fin de l'Empire Ottoman Européen ou presque.

Eureka propose quelques références turques dans sa gamme première guerre mondiale principalement tournée vers le proche et moyen orient.

Je ne connais pas en détails ces figurines mais j'en possède les Bulgares et italiens de la gamme qui m'ont fortement déçus. Là le lavis noir avantage bien les figurines.

10 ans de guerre quasi ininterrompus dans un Empire Ottoman croulant sous des calamités dignes des 7 plaies d’Égypte : Réorganisation d'une armée humiliée et démoralisée; problème des désertions (40% des effectifs); crises politiques et coups d'état successifs; emballement nationaliste clivant; grandes épidémies; crises frumentaires extrêmes; déliquescence du pouvoir centrale et des infrastructures étatiques, vampirisation germanique... Le tout dans un pays archaïque à l'exception de sa capitale Constantinople/Stamboule*, sans industrie ni aucune infrastructures routière et un réseau ferroviaire se résumant trop souvent à unique ligne discontinue à une seule voie.
On se demande comment il a fait pour durer aussi longtemps et résister sur autant de fronts (Balkans, Dardanelles, Caucase, Irak, Palestine) au déferlement des troupes de l'Empire Britannique allant même jusqu'à les humilier en début de conflit (Dardanelles, Irak). On explique généralement cela par les erreurs de ses adversaires, mais c'est surtout leur attitude présomptueuse qui les ont conduit à subir le joug de Turcs motivés de s'affranchir du diktat des grandes nations.

QRF propose une gamme relativement développée de troupes ottomanes pour la première guerre mondiale dont plusieurs références de cavalerie, à la facture plus qu'honnête.

 On y retrouve des troupes d'assaut en Keffieh pour le moyen orient.
Chaque référence de la gamme a généralement 2 poses dans un sachet de 8 figurines.

L'aspect purement militaires et opérationnel est très succin. Tandis que le lecteur curieux cherche encore à savoir où sont passées les troupes turques sur le sol européen, le lecteur distrait pourrait passer à côté des victoires caucasiennes de 1918 (C'est dommage car les fans du Back-of-Beyond pourraient y trouver de quoi titiller leur rêves ludiques les plus fous).

Le découpage de l'empire ottoman tel qu'envisagé par le traité de Sèvre en 1920. Y'a bon gâteau !

En revanche, le livre est prolixe sur les services spéciaux non officiels du comité Union & Progrès alors au gouvernement. Tentatives de déstabilisation des colonies de l'Entente, armement de groupuscules aux marges de l'empire, mise sous pression armée des minorités rétives, déportation des autres, massacre plus ou moins discret (à l'époque) sont autant d'action menées plus ou moins secrètement par ce service mais narrées de façon un peu décousue et sans véritable travail de synthèse. On a parfois l'impression de se perdre sans savoir s'il s'agit d'un élément déterminant ou anecdotique.


Minifig en propose également dont une large gamme de cavaliers. Toutes les références sont mono-pose mais la volumineuse moustache est de rigueur.
Pour l'instant, c'est la seule gamme qui propose des troupes d'assaut turques dignes de ce nom. C'est aussi l'unique référence de la gamme qui soit multi-poses.


Cet écheveau de guerres est venu sanctionner l'impasse idéologique où se trouvait ce fascinant (Cf Pierre Loti) empire cosmopolite aux milles peuples. Il n'a pu survivre à une époque ou la nationalité servait de moteur à la modernité et son agonie prie fin dans un maelström de douleurs, de sacrifices et violences inouïes faisant table rase d'un monde à jamais perdu victime de l'air du temps. La pluri-ethnique Autriche-Hongrie ne résistera pas d'avantage à ce détail prêt qu'elle était beaucoup plus homogène culturellement et que personne n'avait réellement voulu la coloniser ou la démembrer et en faire des confettis ou des paillassons.


 Peter Pig vient de sortir ses propres références turques dans sa fabuleuse gamme sur la première guerre mondiale. Comme dans es autres gammes, chaque sachet de 8 figurines présente 3 poses différentes.

Les références de Cavalerie (troupe et commandement) viennent tout juste de sortir cette semaine. Champagne !

 A l'heure actuelle, je n'ai que des minifig et des QRF dont voici une petite comparaison pour la taille. Je ne pense pas que les Peter Pig soient de taille bien différentes.


Il me reste tout de même l'impression de raté. Avec une auteur turcophone capable d'aligner une impressionnante bibliographie multi-lingue, on pouvait espérer un ouvrage des plus passionnant. Le sujet l'est mais les propos le sont nettement moins. Je resterai indulgent car il faut bien avouer que ce n'est pas le livre qui est trop ambitieux mais tout simplement le sujet qui est beaucoup trop grand et il y a matière à faire quelques chose de vraiment intéressant avec les informations qu'on peut y trouver, mais sachez que se sera à vous d'en faire la synthèse. Pour les opérations militaires, passez votre chemin.

Mais tout cela, l'auteure vous en convaincra mieux que moi :



La République de Turquie à la fin de sa guerre dite indépendance (Istikal). Certains on du revoir leur ambitions à la baisse apparemment.


* Avant la chute de l'Empire, la vieille ville est toujours appelée Constantinople et Stamboule est employé pour englober l'ensemble de cette immense mégapole. Ce n'est qu'à l'avènement de la République et la perte de son statut de Capitale délocalisée à Ankara, que la ville prendra le nom d'Istanbul.


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