Bibliothèque turque : Fantôme d'Orient de Pierre Loti

Comme tous bon limousin d'origine, la Charente Maritime est ma seconde patrie. Outres sa côte dotée de plages sauvages de sables fins, véritables plages limousines (surtout les WE ensoleillés :mrgreen:) le coin regorge de sites et d'histoire. Entre la citadelle de Brouage désertée par la mer et où naquis Champlin découvreur du St Laurent et des grands lacs, et La Rochelle et ses fameuses tours assiégées par le cardinal de Richelieu, il y a aussi Rochefort, ancien arsenal de la marine avec notamment sa corderie royale rénovée dotée d'un musée du cordage et surtout d'une très sympathique librairie de la mer où j'ai toujours plaisir à faire un tour pour y découvrir des ouvrages souvent cachés chez les autres marchands de livres. Sans parlé du site bucolique sur les rives de la Charente et du radoub où l'on reconstruit l'Hermione à l'identique, fameuse frégate sur laquelle Lafayette aurait gagné les Amériques pour venir au secours des insurgés.

Parc et jardin de la corderie royale de Rochefort. A ne pas manqué quand on passe dans le coin. Plus loin au fond à droite, le radoube de l'Hermione.

Attention, ceci n'est pas une maquette, mais une photo trouvée sur le net du radoube de l'Hermione à quelques pas de la Corderie royale de Rochefort. La construction se poursuit encore aujourd'hui.

A quelque pas de là, on trouve aussi la maison natale de Pierre Loti. Ouaip, bon et alors ?
Alors rien. Mais lorsqu'on se rend également à Istanbul, l'une des attractions touristiques les plus prisée se trouve au fin fond de la corne d'or, assez éloigné des sentiers touristiques habituels, une maison de Pierre Loti. Une maison Pierre Loti à Rochefort, certes, mais une maison Pierre Loti à Istanbul, c'est plus surprenant.

Photo trouvée sur le net de l'intérieur de la maison de Pierre Loti à Rochefort. Je ne connais pas encore, mais c'est sûr, j'irai la visiter à mon prochain passage dans les environs. Ne serais que pour aller pécher des idées de déco :mrgreen:

Vue de la terrasse de la maison de Pierre Loti à Istanbul, aujourd'hui transformé en café. On aperçoit à l'horizon de gauche à droite les tours de Galata, de Top Kapi, de Ste Sophie, de la mosquée bleue et de celles de Sulemanÿe. Devant vous, la corne d'or et le pont autoroutier moins pittoresque.

Après plusieurs séjours à Rochefort comme à Istanbul, vous avez beau être réfractaire au XIXè siècle, vous finissez par vous demander qui est ce Pierre Loti ? Lorsqu'au détour d'un rayonnage de votre librairie préférée apparait "Fantôme d'Orient" de Pierre Loti aux éditions (au combien salvatrices) Phébus dans la collection Libretto, vous finissez par tendre le bras et le mettre dans votre cabas.

De la même manière, vous finissez enfin par faire un tour sur la page wikipédia qui est consacrée à cet homme dont vous croisez la mémoire partout y compris sur des plaques de rue.

Fantôme d'Orient n'est pas son ouvrage le plus connu. Il a cependant le mérite d'être une compilation posthume de textes du turcophile traitant tous de Stanbul, comme on disait alors, et de l'empire ottoman.

Fantôme d'Orient est le titre de la petite nouvelle qui ouvre le recueil où il raconte l'une de ses escapades stanbouliote à la recherche de la sépulture d'un amour passé. Ce texte larmoyant et nostalgique est suivie d'une description très intéressante de Constantinople en 1890 pour le compte d'un guide de voyage. La description est toute personnelle mais rend compte d'un univers disparu aux portes de l'Europe dont on peut cependant lire bien des traces encore aujourd'hui dans l'Istanbul moderne.
Les deux textes suivants, Turquie agonisante et La mort de notre cher France en Orient, intéresseront d'avantage encore les fans d'histoire car ils permettent de rendre compte des mentalités de l'époque et de certains aspects géostratégiques passés depuis à la moulinette du temps et des événements oubliés.
L'ultime texte du recueil, Suprême vision d'Orient, me reste encore à lire. Mais le titre me parait explicite.

Fantôme d'Orient, ne vaut pas par la qualité de la nouvelle éponyme, mais les autres textes sont tout à fait intéressants pour prendre la mesure d'une époque. En cela, je n'hésiterais pas à les rapprocher des sentiments qui sont apparus lors du visionnage des épisodes de la Série consacrée à Albert Khan (Cf, un récent article ici même). Ce sont des preuves d'une richesse culturelle insoupçonnée qui a disparue depuis sans laisser plus de traces que quelques bâtisses cachées et autres photos jaunies. Comme pour les images d'Albert Khan, les textes laissent des sentiments forts et profonds qui dépassent la pertinence des propos ou encore l'émotion suscitée par le combat (désespéré ?) d'un homme voulant montrer à travers ses écrits la richesse d'un monde à des attardés mentaux totalement incultes. C'est poignant et envoutant à la fois sans qu'on ait nécessairement besoin de partager la totalité de ses arguments avec l'auteur qu'on sent (trop ?) impliqué dans une histoire d'amour pour les ottomans et leurs cultures et plus généralement pour l'humanité et ses différentes facettes.

Un ouvrage indispensable à qui se rend à Istanbul, un voyage à lui tout seul pour ceux qui n'auront pas cette chance, Fantôme d'Orient est publié chez Phébus dans la collection Libretto et normalement disponible dans n'importe qu'elle librairie.

Du coup, je compte me procurer d'autres ouvrages de cet auteur.

STéphane